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Egypt Station : le voyage pharaonique de Paul McCartney.

Nous l’avions quitté avec NEW en 2013. Jamais vraiment absent grâce à ses activités médiatiques et scéniques, le plus grand compositeur de musique populaire de l’histoire est de retour du haut de ses 76 ans. « Macca », cheveux grisonnants désormais assumés propose un album d’une modernité déconcertante et prouve qu’il est toujours un garçon dans le vent.

Il aura fallu 5 ans d’attente – la plus longue entre deux disques de Paul, Ndlr – pour découvrir Egypt Station. L’album est produit par Greg Kurstin (Beck, Foo Fighters, Adele…) à l’exception du troisième et dernier single en date « Fuh You » qui a été chapeauté par Ryan Tedder (membre du groupe OneRepublic). Paul McCartney a co-produit l’ensemble. Enregistré avec une quantité faramineuse de musiciens en plus de ceux habituels, ce disque a été façonné entre Sao Paulo, Los Angeles ou bien encore en Angleterre. L’album est comme souvent, décliné en plusieurs éditions dont une dite « target » sur laquelle on trouve 2 titres exclusifs et inédits.

L’opus est physiquement un très bel objet. La pochette est une peinture signée Paul lui-même. Il l’a réalisée à la fin des 80. En vinyle ou en CD, le travail de recherche est remarquable.

Le voyage en Égypte s’ouvre par « Opening Station » sorte de montage sonore qui fait penser au début de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Dans les faits, nous trouvons deux titres en forme d’interludes sur ce disque. « Station II », second spécimen du genre est placé à la fin de l’album. La véritable première chanson originale est « I Don’t Know » que nous avions découverte il y a quelques semaines. Forte ballade au piano comme seul Paul sait les faire, le titre très proche de « Only Love Remains » ou bien plus récemment de « Come Home » en 2009 aurait pu figurer plutôt vers la fin de ce voyage. McCartney y aborde le thème de la réflexion pendant une période difficile avec des changements de tonalités formidables et une rythmique marquée entre un tambourin enjoué et une lourde frappe de batterie. Pour ce qui est des ballades, les amateurs du genre n’auront finalement que peu de représentants pour les contenter. Nous aurions pu penser que conscient du vieillissement de sa voix, l’ex-membre des Beatles aurait peut-être calmé le jeu. Pourtant, seules trois ou quatre autres chansons ramènent l’ensemble très catchy à une certaine quiétude. « Confidante » est un hymne aux guitares qui sont parfois des amies ou des confidentes. Une déclaration d’amour à ces instruments en chanson. « Hand In Hand » a été composée tard la nuit sur le piano de son père et raconte la simple relation entre Nancy et lui, avançant dans la vie… Main dans la main. « Happy With You » est peut-être un des meilleurs exemples de la capacité de composition encore intacte dont fait preuve Paul. Une bonne chanson n’est pas forcément ridicule si elle est positive selon lui. C’est sa recette qui fonctionne depuis plus de 60 ans : une guitare, une façon de jouer particulière et un thème qui donne envie d’aller plus loin, de progresser. « Happy With You » évoque le fait d’être plus organisé dans sa vie en quelque sorte.

Revenons un peu en arrière avec « Come On To Me » : premier single au style très direct qui mêle des variations légèrement orientales à une imposante section cuivres. Les thèmes abordés sont l’échange et les conversations. S’en suivent alors « Who Cares » et « Fuh You ». Le premier a été joué durant un des derniers événements privés organisés par Macca et ses musiciens. Paul ressort les guitares pour un morceau très brut à l’énergie taillée pour la scène. « Who Cares » propose de prendre les événements avec beaucoup de distance, de faire face aux discours et aux jugements avec détachement. « Fuh You » est une trouvaille de studio avec Ryan Tedder et sonne typiquement comme un morceau de OneRepublic. Logique. Cette chanson qui semble très différente des autres de l’album n’est pas forcément mauvaise ou bonne. Elle est hors contexte en réalité et représente à la fois du nouveau par rapport à ce qui se fait généralement dans le monde de la musique actuellement et du nouveau par rapport à ce que fait Paul en temps normal. Pour le titre, nous vous laissons librement interpréter le message codé que Paul envoie ici… C’est assurément un des brûlots de l’album qui fait le plus parler depuis sa révélation. Pour revenir à du Paul plus normal, il faut partir en Israël avec « People Want Peace » qui a été écrite à la suite d’une rencontre avec des habitants de ce pays et avec lesquels Paul pu échanger. Les habitants lui ayant parlé de la vie sur place et de leur simple envie d’élever leurs familles et de vivre en paix malgré les conflits.
« Dominoes » est le dixième morceau du disque et à ce stade, nous pensons déjà que nous avons le privilège d’assister à quelque chose d’inédit. L’ensemble est une alternance de sons et de genres qui rendent l’écoute assez aisée. L’auditeur se laisse porter facilement et cela permet agréablement de savourer les titres. Cette dixième piste s’inscrit dans du classique McCartney. Le genre qui sera qualifié de « bon morceau à la Macca » dans 10 ans. C’est une petite merveille de symbolique ou comment une si petite action peut avoir une si grande conséquence dans la vie. Comme des dominos que l’on aligne et que l’on pousse et dont McCartney s’est inspiré pour l’écriture de ce titre.
Après cet interlude plus traditionnel débute une partie bien plus expérimentale de Egypt Station. Avec une progression harmonique et un pré-refrain aussi savoureux que surprenant « Back In Brazil » enregistré au… Brésil casse les codes. En prime, un solo de duduk de pur génie. Une des clés de l’opus.

Passé cette escale brésilienne de très bon goût, nous découvrons « Do It Now » qui de façon simple reprend une des expressions favorites du père de Paul. Cette phrase qu’il répétait souvent selon ses dires signifie qu’il ne faut pas attendre pour se lancer, qu’il faut saisir une opportunité au vol quand il en est encore temps. À y réfléchir, il semblerait que Paul ait bien retenu cette maxime pour sa carrière. Venons-en à « Caesar Rock » qui semble être selon Macca un accident de studio issu de ces moments où les musiciens entrent dans la pièce et ne savent pas vraiment ce qu’ils vont jouer, faire ou inventer. Le hasard a sa place… Et il fait bien les choses. Quoi qu’il en soit et c’est le cas sur cette dernière partie du disque qui se veut plus moderne, Paul a déclaré en interview utiliser plus d’instruments issus de la musique assistée par ordinateur. En fait, c’est l’alternance des instruments traditionnels sur l’album tels que son Fender Rhodes ou sa bonne vieille guitare Gibson Les Paul et des auto tune ou autres drum machines qui permet un rendu très novateur. En tout cas, très exceptionnel dans la façon de travailler pour McCartney plutôt habitué à de l’analogique. C’est fortement repérable sur « Caesar Rock » où Paul parle d’utiliser de l’auto tune. Technique qui l’aurait apprise avec Kanye West. Avec Dylan, il apprenait certaines astuces de jeu à la guitare il y a quelques décennies ; avec West, il découvre l’auto tune au 21ème Siècle. Deux salles, deux ambiances…
Nous approchons de la fin de ce séjour autour du monde musical mais il nous faut sortir indemne de ce qui va suivre : « Despite Repeated Warnings » est d’après nous un des meilleurs morceaux de ce nouvel album. Un monstre de 6 minutes 57 secondes durant lesquelles l’auditeur est en mode essorage… Cela commence comme une ballade au piano avec une descente en la majeur. Les chœurs (enregistrés par Macca) sont filtrés, mais cela ne choque pas. Puis le morceau change de rythme et d’atmosphère avec une transition qui rappelle « A Day In The Life ». Le tempo se fait plus rapide pour une ambiance totalement différente avec la présence appuyée de guitares. Puis Paul revient au thème du début avec plus d’orchestration. Sans aucun doute, le titre le plus surprenant et audacieux. Les symboles évoqués vont aussi de paire avec cette overdose de mélodies : politiciens, climatoscepticisme, avertissements et situations dont personne ne s’émeut vraiment… Le titre littéralement « En dépit d’avertissements répétés », inspiré d’une phrase lue par Paul dans un article lors d’un déplacement à Tokyo en dit long sur le caractère hautement dénonciateur de la chanson. Le texte compare la planète et la plupart de ses dirigeants à un gros paquebot piloté par un capitaine qui aurait perdu la raison. Aussi, il appelle à l’action pour éviter d’aller dans le mur à grand renfort de « Yes, we can do it! ». C’est LE morceau le plus terrible de l’album sans équivalent possible. « Station II » permet un moment d’accalmie nécessaire. L’album marque un nouvel arrêt dans une grande gare et très vite, à peine le temps de reprendre nos esprits, que nous entendons déjà le son d’une guitare jouée par un musicien de rue. Cette transition nous amène à un medley de trois chansons. Coutumier du genre puisqu’il a en partie inventé le medley avec ses compères en 1969 sur Abbey Road, les pièces finales en plusieurs actes reviennent souvent dans la discographie de McCartney. Dans l’ordre « Hunt You Down », « Naked » et « C-Link » viennent clôturer les 57 minutes 30 secondes d’Egypt Station avec une progression à l’image de ce disque puisque nous démarrons sur les bases d’un Rock binaire avant de glisser sûrement vers du Blues. C’est aussi un labyrinthe rythmique qui se termine sur un long solo de Paul à la guitare rappelant « Momma Miss America » dans McCartney I. Il semble libre comme le musicien de rue qui vient jouer dans cette gare et dont nous parlions précédemment.

Malgré le temps qui file, nous nous étonnons toujours de voir à quel point il est un privilège que de vivre à la même époque que Paul McCartney. Ce nouvel opus d’une audace et d’une variété quasiment inédite dans la carrière du compositeur est un mélange savoureux de tous les styles musicaux. Sans imiter, Paul, ses musiciens et une floppée d’invités proposent une cartographie cohérente du monde avec ses sonorités, ses idées et ses figures. Des gens qui avancent main dans la main, d’autres qui veulent la paix tandis que d’autres ne savent pas gérer leurs frustrations. Idéologiquement, ce disque pose les bases d’une réflexion sur les actes que nous entreprenons. Musicalement, nous sommes face à des morceaux qui pourraient en dérouter plus d’un comme c’est déjà le cas avec ce fameux « Fuh You » qui n’a pas fini de faire parler les auditeurs. Tout dans ce nouveau disque est remarquablement produit. Vraiment. La patte de Greg Kurstin est excellente. Les idées de Paul ont germé en toute liberté. Cette liberté est un fil d’Ariane de l’écoute. Les morceaux s’enchaînent avec beaucoup de naturel. Pourtant, à chaque nouvelle piste, le lot de richesses et de trouvailles est considérable. Notons enfin l’utilisation très intelligente de la voix pour Macca qui a su comme nous l’évoquions, faire de cette voix vieillissante une force. Il a réussi à l’appréhender avec beaucoup de malice. Pour se faire, le phrasé est volontairement plus court et plus saccadé dans certaines chansons avec des phrases de 5 à 10 syllabes où il prend le temps de respirer avant de se remettre à chanter avec toujours autant d’énergie. Simple à constater mais très intelligent de sa part. Ne nous mentons pas : ce Egypt Station est certainement l’album d’un génie qui n’a plus rien à prouver. En revanche, c’est un disque plaisir qui une fois de plus permet d’ajouter une prestigieuse ligne à la carrière de Paul tant la qualité est au rendez-vous. Cette dernière, dans la vie de ce monsieur est incommensurable. Alors, si la question à un million de Dollars est de savoir si ce 17ème album studio solo de McCartney est indispensable, il y aura ceux qui répondront « I don’t know » ou « Who cares ». En tout cas, force est de constater qu’il n’a pas son pareil dans le cheminement musical de Paul et que ces nouveautés autant dans l’esprit que dans le son nous prouvent une fois de plus qu’il est incontestablement le plus grand compositeur de musique populaire sur cette Terre et ce pour longtemps encore.

Carl KIESER pour Maccaclub.
#EgyptStation #FreshenUpTour

Par The Fireman

"Sans musique, la vie serait une erreur." Friedrich Nietzsche.

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