Il est un peu plus de 20h45 lorsque Chris Holmes, le DJ des concerts de Paul McCartney ; termine son set désormais indispensable aux tournées de l’ex-membre du plus grand groupe de tous les temps : The Beatles.
L’enceinte de l’AccorHotels Arena de Bercy se remplit peu à peu. Vite, le pré-show commence et tout le monde n’est pas encore installé. C’est d’ailleurs un peu la cohue dans les travées de la salle. Au moment du premier accord, nous sommes environ 17 000 personnes. 17 000 privilégiés qui espèrent passer une soirée de rêve. Autant dire que la salle est pleine à craquer.
Il est 21h10. Paul McCartney et ses quatre musiciens (Rusty Anderson, Brian Ray, Abe Laboriel Jr. et Paul « Wix » Wickens) montent sur scène. Ce quintet de haut vol vit et travaille ensemble depuis 2002 dans une certaine alchimie. Sauf pour « Wix », multi-instrumentiste assurant essentiellement les claviers, qui suit Paul McCartney depuis 1989 et la fameuse tournée « Tripping The Live Fantastic ». Paul arbore un look sobre de trentenaire dynamique avec s’il vous plaît, une belle paire de Beatles Boots aux pieds. C’est de circonstance…
Le premier accord retentit : un accord de Fa très connu en l’occurrence puisqu’il ouvre le morceau « A Hard Day’s Night ». C’est donc dans un éclat aux résonances « cathédralesques » que Paul fait lever son public pour entamer ce tube. Il nous replonge en pleine Beatlemania. Nous sommes en 1964… S’en suit alors le quarté dans l’ordre et tout ce qui nous arrive est dosé savamment dans une ambiance très festive : « Save Us » ravi les fans de l’album « New », dernier opus en date de Macca ; « Can’t Buy Me Love » précède une très chaude version de « Letting Go » ; un blues incendiaire d’une intensité incroyable sorti en 1975 sur l’album « Venus And Mars » et n’ayant pas pris une seule ride avant de terminer sur une épique version de « Temporary Secretary », une « chanson électronique » comme nous l’as si bien dit dans un français parfait et presque sans accent notre hôte du soir… Ces deux derniers morceaux constituant pour nous ce qui est déjà un des sommets du concert.
Arrêtons-nous cependant sur le son. Il faut bien qu’il y ait un petit souci quand même… D’abord et aux dires de certain(e)s spectatrices/spectateurs, le son n’était parfois pas forcément à la hauteur de l’intensité ; allant jusqu’à saturer par moments. Certain(e)s d’entre nous ayant l’impression de temps en temps et suivant les morceaux, « de recevoir le son dans le ventre… ». Nous avons aussi eu la sensation de ne pas toujours bien entendre le son des claviers de Paul « Wix » Wickens ce qui nous a parfois perturbé pour apprécier la musique dans sa totalité. Enfin, nous avons eu quelques doutes sur la voix de notre cher Paul par moments. Parfois chevrotante, certains refrains ne sont pas passés comme ils devaient… Bon, bref, nous avons quand même été rassuré du fait que Paulo qui rappelons-le va fêter ses 74 ans le 18 juin prochain, n’ait pas mis beaucoup de temps retrouver sa superbe. Et puis, pouvons-nous nous permettre de le blâmer pour quelques petites imperfections à un tel niveau ? Nous ne pensons pas…
Ces légers soucis corrigés après que Paul soit passé aux guitares électrisant au passage la foule avec deux titres très Rock dont « I’ve Got A Feeling » et sa cascade d’accords ; il est temps de retrouver le piano pour « My Valentine », magnifique balade composée pour Nancy Shevell (Madame McCartney depuis 2011). La voix semble peu à peu revenir donc et l’interprétation est comme toujours ; sincère, habitée… Aussi, les fans du second groupe de Paul, The Wings ne sont pas en reste puisque « Nineteen Hundred And Eighty-Five » et son gimmick délirant au piano termine d’installer la communion autour du groupe dans la salle. La suite est une simple et inattendue version de « Here, There And Everywhere ». Nous en avons le souffle coupé. Merci pour ce cadeau ; quelle belle surprise. « Maybe I’m Amazed » composée pour une autre dame, sa première femme ; Linda Eastman et décédée en 1998 parfait le tout avec force.
Paul profite aussi des moments de pauses pour rappeler que sa visite dans notre capitale est exceptionnelle au vu des précédents événements qui ont touché la France et nous rappelle que nous « avons traversé des moments douloureux ».
C’est le retour des guitares. Acoustiques cette fois-ci. Paul échange quelques mots avec le public, profitant de l’instant et des réactions de ce dernier avant d’entamer un set Folk composé de chansons très diverses le tout dans une configuration minimaliste et un jeu de scène épuré. Parlons d’ailleurs de ce nouveau jeu de lumières et de ces nouveaux éléments scéniques qui ont réellement apporté un lot de surprises tout au long du concert… A titre d’exemple, et sur les quelques prochaines chansons qui vont suivre, nous reconnaissons le décor typique d’une maison de la banlieue de Liverpool dans laquelle nous serions installés au début des années soixante avec John et Paul en train de les voir composer leurs premières chansons. Le groupe est au centre de la scène, autour d’une petite batterie (qui nous paraissait vraiment petite lorsque Abe s’est assis derrière). Le tableau est simple et ressemble à celui d’un groupe d’adolescents jouant une chanson au coin du feu pour les parents un soir de Noël. Une sensation très intimiste qui nous a d’ailleurs amené à nous poser cette question : « A quand un concert de Paul McCartney, en acoustique dans une petite salle ? ». Nous ne pensons pas être les seuls à avoir pensé cela… Oh non.
« In Spite Of All The Danger » composée en 1958 à l’époque où les Beatles s’appelaient encore The Quarrymen nous a enchanté, le groupe jouant avec le public sur les « Oh oh oh ooooh » à répétition à la fin du morceau… « You Won’t See Me » que nous n’avions pas entendue depuis 2004 et le « 04 Summer Tour » nous a agréablement surpris dans cette mouture acoustique. « Love Me Do » venant parfaire l’aspect oldies nous a démontré à quel point Paul a la capacité de faire sonner n’importe quelle chanson de son répertoire comme actuel… Ensuite, et comme si cela ne suffisait pas, Paul s’envole au-dessus de Paris, au sens propre comme au figuré ; interprétant « Blackbird » et « Here Today » en hommage à son pote, John Lennon accompagné par le public qui avait préparé pour l’occasion une chorégraphie avec des bracelets lumineux. Le message semble avoir été apprécié par notre hôte qui a sûrement été surpris par cet impromptue version de « Give Peace A Chance » entamée par… le public. Nous avons le nom des coupables.
Retour au piano pour Paul et à une configuration scénique plus classique donc pour reprendre deux tubes issus du dernier album studio de Paul. « Queenie Eye » dédicacée à Jorie Gracen et « New », premier single tiré de l’album sorti en 2013 permettent au public de se dégourdir les jambes. Ça danse, ça chante avant d’atteindre un des points d’orgue de ce concert avec une interprétation forte en émotion de « The Fool On The Hill » toujours au piano. Magnifique, bouleversant ; vraiment. Après un « Lady Madonna » sur lequel Paul aura définitivement retrouvé toutes ses capacités vocales ; c’est le moment commercial du concert qui commence : « FourFiveSeconds » (réunissant en studio Rihanna, Kanye West et Paul McCartney) est reprise en mode karaoké car les paroles défilent sur l’écran. Commercial certes, car le morceau a beaucoup fait parlé mais de notre avis, des moments commerciaux comme ceux-là en concert ; nous en voulons à la pelle… La version ayant été qualifiée de « meilleure que l’originale » par certain(e)s fans à l’issue de la soirée…
Le triptyque suivant et composé uniquement de reprises de chansons des Beatles a également eu son lot de surprises avec notamment « Michelle » que Paul a présenté comme étant « La seule chanson que nous connaissons en français« . Après donc avoir rendu visite à Eleanor Rigby et assisté au spectacle de cirque organisé par Mr. Kite ; Paul se muni de son ukulélé pour entamer « Something ». Que dire ? Que dire cette version constamment améliorée depuis des années, si ce n’est que nous n’avons pas pu/su résister à la charge émotionnelle de cette si belle chanson qui pour nous et c’est un aspect purement personnel reste un des plus grands moments musicaux de notre vie ? « Something » a quelque chose de spécial pour nous et cette dimension n’est pas explicable par de simples mots… C’est à chaque fois un instant hors du temps… Merci pour ce cadeau.
« Ob-La-Di, Ob-La-Da » est ensuite reprise par tout le public. Nous sommes forcés de constater comme à chaque fois, à quel point Paul McCartney est un extraterrestre : il joue la ligne de basse du morceau tout en chantant les paroles… En temps normal, c’est quasiment impossible ; alors à presque 74 ans. OK, l’âge ne justifie pas certaines choses mais là, quand même, c’est tout bonnement irréel voir inhumain. Si quelqu’un sait comment faire ; nous sommes preneurs. La suite composée du duo « Band On The Run » et « Back In The U.S.S.R. » fera comme à chaque concert des victimes dans le public, certain(e)s fans perdant instantanément leur voix après ces deux chansons… « Let It Be » comme dirait l’autre est idéal pour suivre ce moment et créer une certaine forme d’accalmie. Accalmie ? Enfin, qui dit « accalmie » dit forcément tempête. Tiens donc, ça ne serait pas justement les premières notes de « Live And Let Die » que nous entendons ? « Vivre Et Laisser Mourir »… Oui, dans cette chanson, tout y est ; la vie, la mort, le calme et la tempête… Inutile de préciser que nous ne réalisons toujours pas et ne réaliserons sûrement jamais à quel point la scénographie qui entoure ce titre est inouïe. C’est littéralement le feu… Explosions en tous genres et pyrotechnies viennent chauffer le public. Mention spéciale pour les spectateurs du premier rang qui bénéficient d’une séance de sauna gratuite pour l’occasion. Avec la météo parisienne humide de ces derniers jours, nous ne disons pas « Non ! ». Le cap des deux heures de concert est franchi désormais et c’est le moment pour tout le monde de faire entendre sa belle voix avec « Hey Jude » dont la descente finale fait partie d’une des mélodies les plus célèbres de l’histoire de la musique. Les mecs et les filles alternant le chant sous la direction de McCartney, alors chef d’une chorale assez en place dirons-nous… C’est déjà la fin…
Rassurez-vous ; Paul a encore de belles surprises à offrir avec le rappel. Après un échange « La Marseillaise »/ »God Save The Queen » grâce au public très blagueur il faut le dire ; Paul McCartney s’est d’abord improvisé prêtre ou pasteur en « mariant » Clémence et Nicolas. Deux fans français partagés entre excitation et larmes. C’était très touchant. Une fan venue d’Ukraine n’était pas en reste non plus puisqu’elle arborait la tenue de la femme sur la pochette de l’album « Wings Greatest » pour l’occasion. Un moment assez drôle il faut le dire…
Avant de reprendre la guitare, la fameuse Epiphone Texan sur laquelle Paul a enregistré la chanson qu’il va interpréter, « Yesterday » ; Paul se remet lui aussi de ses émotions échangeant quelques mots avec le public : « Vous êtes géniaux ». Les très rock’n’rollesques « Hi, Hi, Hi » (issu de sa carrière avec les Wings) et « Birthday » ont fait lever toute la salle. Nous nous sommes crus en boîte pendant un instant. Une boîte de 17 000 personnes quand même… C’est le moment de dire « Au revoir Paul », le moment de « rentrer à la maison » comme il dit si bien… Un final aux allures de grand-messe avec cette magnifique version du medley final issu de l’album « Abbey Road » (1969). Medley qui clôt le disque et une des face B parmi les plus mythiques de l’Histoire avec un grand « H » de la Pop Musique au sens noble du terme telle que nous la connaissons aujourd’hui. « Golden Slumbers/Carry That Weight/The End » terminent comme toujours depuis maintenant beaucoup d’années les concerts de Paul avec toujours ce même sentiment partagé entre le bonheur et la tristesse de sentir qu’il faut déjà quitter la salle. Un moment que nous considérons toujours comme exceptionnel et incroyablement fort que même la maladie d’Alzheimer ne pourrait pas arracher à notre mémoire avec notamment, cette phrase « And in the end, the love you take, is equal to the love you make« … Dernière phrase à la dimension universelle de la dernière chanson du dernier album enregistré par les Beatles et qui résume à elle seule d’une part, la beauté de l’œuvre musicale de ce groupe et d’autre part, le meilleur moyen pour nous de vivre dans le bonheur. Un moment total qui nous aura fortement ému et à y repenser ; nous avons encore des frissons lorsque nous nous rappelons de cette image : celle d’un McCartney levant les yeux au ciel, devant un décor de coucher de soleil sur le désert américain en train de livrer ces paroles… C’est trop fort…
C’est trop fort et c’est après ce moment que nous quittons la salle des souvenirs plein les yeux, des confettis plein les cheveux en attendant de le retrouver sur scène le plus vite possible pour revivre ce phénoménal moment pendant lequel plus personne n’a d’âge, de catégorie sociale ou d’appartenance à une quelconque ethnie… Merci Paul pour ta musique, reviens vite nous voir. Nous t’aimons et t’aimerons pour toujours.
Carl KIESER.
Crédits photographiques : Miki Lasch et Renaud des Courrières.